On peut désormais lire – sans aucune connaissance préalable affirme l’auteur, et, ce, avec raison – une véritable introduction à la métaphysique qui, en se confrontant à quelques-unes de ses questions majeures, permet de se faire une assez bonne idée de qu’elle est. En effet, l’ouvrage du philosophe américain Peter Van Inwagen, Metaphysics, dont la traduction vient de paraître aux éditions d’Ithaque, sous le titre La Métaphysique[1], est une aubaine pour les philosophes, les étudiants – toutes disciplines confondues – et pour tous ceux qui, intrigués, se demandent ce qu’est la métaphysique et qui voudraient en savoir plus.
S’il est naturel de se demander pourquoi nous avons besoin de la métaphysique en plus des disciplines qui portent sur le même objet – le monde et son mobilier –, on peut aussi vouloir tout simplement prendre à bras-le-corps certaines questions et directement les affronter. Nous verrons bien alors, après examen, si la métaphysique doit encore chercher à produire un énième argument afin de justifier son existence[2]. Le premier obstacle à franchir sera alors de parvenir à entrer dans l’« atelier de la métaphysique », d’y faire ses premiers pas sans s’y égarer ni se décourager.
Dans l’atelier de la métaphysique, on trouvera de nombreux ouvrages écrits en anglais et qui satisferont remarquablement bien ce besoin de métaphysique. Beaucoup portent le simple titre de Metaphysics – je pense aux livres de Richard Taylor[3], Jonathan Lowe[4], Michael Loux[5]… Il y en a également d’excellents en français, mais qui s’adressent à un lectorat déjà averti. Le très complet et vivant ouvrage de Frédéric Nef, par exemple, Qu’est-ce que la Métaphysique ? ou encore Le Ciment des choses de Claudine Tiercelin[6].
D’autre part, en France – sans doute ailleurs également j’imagine – le terme même de « métaphysique » a subi un sort étrange et, ce, dans les domaines les plus variés[7].
Si l’on essaie de rester dans la sphère des éditions philosophiques françaises, on peut même trouver le terme flanqué d’un étrange pluriel majuscule : « MétaphysiqueS ». Cela veut sans doute dire quelque chose mais quoi ? Dans la présentation de cette collection des PUF, on pose directement la question de la définition et on y répond ainsi : « Qu’est-ce en effet que la métaphysique, sinon une pensée qui ose s’avancer en ne se soutenant que de sa propre consistance, pour littéralement refaire le monde ? » On le voit ça se corse ! Ainsi définie, on peut vraiment se demander ce qu’est la métaphysique ?
Définir la métaphysique
De prime abord, Van Inwagen reconnait que si dans un manuel d’introduction à une science particulière ou à toute autre discipline, une phrase définissant l’objet doit pouvoir s’écrire de façon relativement précise, il n’en va pas de même lorsqu’il s’agit de la métaphysique[8]. Néanmoins, reprenant la définition qu’on lui avait donné étant étudiant, et en attendant d’en trouver une plus éclairante, il la définit comme « l’étude de la réalité ultime ». Mais il s’empresse d’ajouter qu’il reste à savoir ce que signifie la « réalité » et sa qualification d’« ultime ». Autrement dit si ces termes mêmes ont un sens.
Et c’est précisément la première chose que l’auteur examine : la notion de réalité ultime. Il prévient : « sans réalité ultime, la métaphysique est une étude sans objet[9]. » Alors il envisage que l’on puisse penser qu’il n’y ait pas de réalité ultime, que lorsque nous parlons de réalité nous ne sommes confrontés qu’à des apparences de réalité et, par conséquent, que la métaphysique, bel et bien sans objet, est à ranger dans la remise des affaires périmées. Mais comme tout logicien exigeant, le métaphysicien argue qu’affirmer qu’il n’y a pas de réalité ultime est une contradiction. En effet, déclarer : « il n’y a pas de réalité ultime » est un énoncé sur la réalité ultime elle-même. Et soutenir sa vérité montre qu’on ne peut échapper à la notion de réalité ultime. Donc la métaphysique a bien un objet.
Mais que cherchons-nous à savoir qui constituerait la vérité ultime des choses, se demande Van Inwagen ? Trois questions, selon lui, condensent toute la recherche en métaphysique :
1/ Quels sont les propriétés les plus générales du monde, et quels genres des choses contient-il ? A quoi ressemble le monde ?
2/ Pourquoi y a-t-il un monde ? Plus précisément, pourquoi y a-t-il un monde qui possède ces propriétés et qui contient ces choses-là ?
3/ Quelle est notre place dans le monde ? Qu’est-ce que nous, êtres humains, avons à y faire ?
Pour certains philosophes, ce genre de questions n’a tout simplement aucun sens. Les philosophes du Cercle de Vienne ont soutenu ce point de vue. Ils estimaient que dans une langue logiquement correcte, les questions métaphysiques ne pourraient même pas être formulées. Autrement dit, ce genre de questions devrait, selon eux, être ramené à des considérations d’ordre linguistiques. Le problème qui se pose à propos de ces interrogations métaphysiques se résume alors à ceci : « Qu’est-ce que tu veux dire avec ces énoncés[10] ? »
Pour d’autres, bien qu’ils reconnaissent que ces questions ont un sens, ils leur semblent cependant totalement inutile de se les poser. Cette manière de voir les choses a été particulièrement développé par Emmanuel Kant. Pour résumer cette position, disons que dans la mesure où l’homme est un être qui se représente la réalité extérieure à travers ses états internes, la partie est perdue. Seul un être comme Dieu pourrait connaître ces réponses.
Si Van Inwagen traite avec un certain dédain les analyses du Cercle de Vienne qui prennent « place dans les rayons des bibliothèques d’historie de la philosophie[11] », il est plus mesuré sur la difficulté de l’homme à obtenir des résultats métaphysiques. Bon en physique, l’homme pourrait l’être sans doute moins en métaphysique. Il écrit :
« Un jour, peut-être, nous découvrirons parmi les étoiles une espèce très douée en métaphysique et complètement nulle en physique[12]. »
Mais le besoin de métaphysique est, pour tout être humain, un besoin primaire. Même si nous ne possédons pas la capacité nous permettant de répondre véritablement à ces questions, peut-être sentons-nous que notre vie ne serait pas pleinement rationnelle si nous les rejetions. Cependant, il faut bien reconnaître qu’il n’existe pas de corpus de résultats métaphysiques. N’y aurait-il donc pas de connaissance métaphysique comme il y a des connaissances en physique, en biologie, en géographie, etc. ? Claudine Tiercelin, dans sa leçon inaugurale au Collège de France du 5 mai 2011, pose des conditions à ce que pourrait être une véritable connaissance métaphysique et cela commence, contrairement à ce que soutient Kant, par admettre que la connaissance métaphysique peut aller au-delà des phénomènes. Jonathan Lowe défend également la possibilité qu’il puisse y avoir une connaissance métaphysique et le principe en est très simple : « La métaphysique doit être faite directement ». Le débat est donc ouvert pour savoir si affirmer qu’une connaissance métaphysique est possible ou non – et une telle question relève de la philosophie de la philosophie.
Van Inwagen, lui, tranche la question et soutient l’idée que si la connaissance est vraiment ce que l’on recherche, alors la science empirique est un bien meilleur outil pour cela. Selon lui, si la métaphysique se mettait à produire de véritables connaissances, elle cesserait tout simplement et immédiatement d’être considérée comme une branche de la philosophie et intégrerait ce qu’aujourd’hui on nomme la « science[13] ». En conséquence, on pourrait être tenté de railler, au nom de la science, le travail de la métaphysique, mais ce serait là à une bien mauvaise compréhension de l’activité philosophique. Van Inwagen explique ainsi qu’en métaphysique il n’y a pas de faits établis[14]. Toutefois il y a des faits métaphysiques – et ce sont les conclusions de bons arguments auxquels nous pouvons être enclins à adhérer. Ces faits métaphysiques, Van Inwagen ne les appellent pas « connaissances » mais « savoirs ». Il existe effectivement bien une différence entre un fait établi, par exemple que la terre est ronde et un fait métaphysique, qu’il existe une réalité ultime. Le fait établi est une connaissance qui ne peut être sérieusement mise en doute, alors que le fait métaphysique, résulterait-il de la conclusion du meilleur argument du monde, pourra toujours être contesté. En effet, si la métaphysique apporte des réponses à certaines questions, ces réponses se trouvent mises en compétition. Mais il n’est pas possible qu’elles soient toutes vraies. Ainsi, lorsque, par exemple, quelqu’un soutient une théorie matérialiste et qu’un autre la dénie, alors l’une des deux est fausse et la vérité ou la fausseté ne pourra s’exprimer qu’au moyen de la métaphysique. C’est pourquoi, la métaphysique ne peut rien affirmer de manifeste comme une science peut le faire. Ainsi, les trois questions que soumet le philosophe et qui, si l’on y répondait, constituerait, selon lui, la vérité ultime du monde, peuvent prêter le flanc à la critique. C’est que penser d’un point de vue métaphysique c’est chercher à interroger, sans arbitraire ni dogmatisme, les problèmes les plus fondamentaux de l’existence. Ainsi, chacun est « libre de ne pas être d’accord avec les spécialistes reconnus[15] » ; chacun est libre de défendre une croyance ou de l’abandonner sous prétexte qu’elle n’était vraie qu’en apparence alors que jusque-là vous l’aviez prise pour une certitude. Mais dans l’un ou l’autre cas, il faudra produire des arguments puissants et convaincants ou traquer ce qui semble douteux ou faux dans les arguments adverses. Il ne faudrait néanmoins pas conclure de tout cela que les problèmes métaphysiques ne sont que des querelles au sujet des concepts ou des confusions du langage comme le prétendaient le Cercle de Vienne. Non. Les problèmes métaphysiques sont seulement très difficiles à résoudre et il est préférable de les regarder en face plutôt que de vouloir les écarter d’un revers de la main.
C’est donc autour des réponses aux trois questions qu’il pose que Van Inwagen construit son livre. Et pour ce faire – sans dissimuler son point de vue mais tout en se fixant une perspective de neutralité au sujet de laquelle il admet qu’il est peu probable qu’il y soit parvenu –, il nous offre un manuel de métaphysique, méthodiquement conçu[16] et divisé en trois parties :
1/ Le comment du monde
2/ Le pourquoi du monde
3/ Les habitants du monde
Le comment du monde
La première partie (chapitres 1 à 4) examine quatre problèmes : l’individualité, l’extériorité, la temporalité et l’objectivité. Il s’agit de chercher à savoir si le monde est vraiment tel que le soutient la métaphysique occidentale – et si celle-ci nous décrit les choses telles qu’elles sont ou telles qu’elles sont seulement en apparence ? Si l’on admet par exemple qu’il existe des choses individuelles, c’est-à-dire des choses qui sont distinctes les unes des autres et que les choses en question sont composées de parties (un arbre par exemple est composé de branches, de feuilles, de racines, etc.) sommes-nous, lorsque nous considérons une chose individuelle, devant une collection de choses ? Et si l’on pense aux choses individuelles comme à une collection, comment fait-on pour la désigner comme chose individuelle ? Et que dire des entités qui ne sont pas individuelles comme l’eau ou l’air ? Et les choses qui ne sont pas individuelles, que l’on qualifie d’universelles, et qui caractérisent les choses individuelles comme les couleurs, les formes, les mesures ? Quelles relations ces choses entretiennent-elles les unes avec les autres ? Pour répondre à ce genre de questions, des arguments sont soutenus et divisent les philosophes, des thèses s’opposent (nihilisme – « il n’y a aucune chose individuelle » –, monisme « Il n’y a qu’une chose individuelle »), des termes de l’art sont convoqués (propriété, relations, substance, attribut, etc.). La dispute métaphysique est alors rigoureuse, la discussion souvent tranchée et les raisons de défendre telle ou telle thèse n’est le résultat que d’arguments minutieux.
Certaines interrogations pourraient apparaître parfois peu raisonnables comme par exemple celles qui s’enquièrent de savoir s’il existe un monde extérieur. Une idée pareille commence par la certitude qu’il y a un monde intérieur auquel nous avons accès. Ainsi, la grande majorité des philosophes du XVIIème et XVIIIème siècles s’accordaient pour ne pas douter de l’existence de ce monde mental. Une telle certitude a pu finir par creuser un écart entre ce qui relève de l’absolument certain et de ce qui n’est pas mental. Et si toutes les entités individuelles n’étaient que mentales ? C’est la question que soulève la métaphysique idéaliste et que Berkeley résout en soutenant qu’un objet sensible n’est rien d’autre que ses qualités ou ses propriétés et que celles-ci ne peuvent exister en dehors de l’esprit. La plupart des métaphysiciens contesteront la thèse de Berkeley et apporteront des raisons de penser qu’il existe un monde indépendant de l’esprit. C’est la thèse du réalisme que soutient Van Inwagen et qui se trouve être, avec celle qui proclame que la vérité est objective, un des piliers de la métaphysique occidentale.
Si, après le réalisme, il est donc un autre pilier qui soutient l’édifice de la métaphysique, c’est bien celui de croire que nos croyances et nos assertions sont vraies ou fausses. A cela, il faut ajouter que le monde possède des caractéristiques qui permettent de dire le vrai ou le faux de nos croyances et assertions, et que ces caractéristiques sont indépendantes de nos esprits (ici, Van Inwagen prend bien soin d’ajouter que nos croyances et nos assertions font parties du monde[17] mais qu’elles ne sont qu’une part infime du monde[18]).
Le plus curieux dans toute cela, c’est que certaines personnes pensent que la vérité objective n’existe pas. Pour le métaphysicien réaliste, cette position d’hostilité, souvent farouchement défendue envers l’idée d’objectivité, est très difficile à intérioriser. Van Inwagen peine manifestement à imaginer la chose. Il écrit :
« Je me dois ici d’avertir le lecteur : il est clair que je suis incapable de m’imaginer ne serait-ce qu’une seule seconde dans la tête de ceux qui nient l’existence de la vérité objective[19]. »
La chapitre 4 permet alors à l’auteur de bien discriminer ce qui relève du langage et des représentations qui nous servent à saisir le monde correctement, du monde lui-même. En revanche, l’antiréaliste voulant s’écarter du carcan de la vérité ou de la fausseté objective, soutiendra que les énoncés que nous produisons en disant qu’ils sont vrais ou faux, en fait s’accordent ou non à nos expériences. Mais pour le métaphysicien, « s’accorder à l’expérience » n’est qu’un médiocre substitut à l’existence d’une vérité objective. Pour soutenir ce point de vue, Van Inwagen, maniant d’une philosophie cohérente atteste non seulement du cul-de-sac du relativisme mais démontre que la thèse se réfute elle-même.
Le pourquoi du monde
La deuxième partie (chapitres 5 et 6) examine la question du pourquoi. Pourquoi quelque chose existe-t-il ? Pourquoi n’y a-t-il pas plutôt rien ? C’est abyssal ! On pourrait même être tenté de penser que la question n’est pas légitime. On peut, en effet, se dire que s’il n’y avait rien on ne se la poserait pas ! Mais est-ce que ce genre d’argument rend pour autant déraisonnable la question du pourquoi ? La science empirique ne pose pas seulement la question du comment, elle répond aussi à des pourquoi. Pourquoi, par exemple, un objet qu’on lâche tombe-t-il à terre ? Parce qu’il est assujetti à la force de la gravitation. Certes le comment entretient un lien privilégié avec le monde observable et le pourquoi peut entraîner la raison bien au-delà de cet observable – et les ultimes pourquoi sont à l’origine de tous les récits religieux de création. Mais aucun de ces récits, fait observé l’auteur[20], ne débute par il n’y a rien. Toutefois, c’est bien à l’intérieur de la perspective religieuse que la question du pourquoi s’est déployée. En effet, beaucoup de philosophes chrétiens ont tenté d’y répondre. Cependant, même si ces philosophes ont introduit nombre d’éléments religieux dans leurs réponses, le questionnement demeure philosophique.
C’est la raison pour laquelle, les deux chapitres centraux, qui s’articulent autour du concept d’« être nécessaire » et des « preuves » de l’existence de Dieu, en se focalisant sur des arguments pouvant paraître extraordinaires pour un lecteur d’aujourd’hui, sont l’occasion de présenter et de manipuler un certain nombre d’outils métaphysiques. Le chapitre portant sur l’argument ontologique (chapitre 5), qui remonte à Saint Anselme et qui traverse toute une partie de l’histoire de la philosophie (Descartes, Spinoza, Leibniz, Hegel… Gödel), examine, par exemple, la validité logique des arguments et discute de l’acceptation des prémisses. En effet, soutenir la conclusion d’un argument – en l’occurrence ici, et ce n’est pas rien, la preuve de l’existence d’un être parfait – nécessite qu’il ne soit pas contradictoire, autrement dit que le passage d’une prémisse à une autre soit le résultat d’une inférence logique. Mais ce n’est pas tout : encore faut-il accepter chacune des prémisses qui le constitue. Et pour ce faire, l’auteur, ici, fait montre d’un raffinement élaboré qui entraîne le lecteur dans les subtilités de la logique modale. Chapitre très technique donc et pour un résultat dont le philosophe reconnaît à la fin que nous n’avons toujours pas répondu à la question « Pourquoi devrait-il y avoir quelque chose ?[21] »
A la lecture d’un tel chapitre on pourrait alors se demander à quoi peut bien servir une investigation aussi sophistiquée. En effet, vouloir chercher, au moyen d’un argument qui partant de prémisses strictement analytiques, a priori et nécessaires, à obtenir la conclusion que Dieu existe, n’est-il pas totalement vain ? Si la vérité ou la fausseté de l’énoncé « Dieu existe », chacun le sait, ne peut résulter d’une enquête scientifique[22], ne peut-on pas aussi légitimement douter de l’efficacité de l’expertise logique en la matière ? Van Inwagen, après une tentative complexe cherche alors un autre moyen de savoir s’il existe un être nécessaire sans passer par l’argument ontologique. C’est le chapitre 6 consacré à l’argument cosmologique – argument a posteriori relatif à la recherche d’une cause première – construit principalement autour du principe de raison suffisante, mais qui ne donnera pas au métaphysicien des raisons supplémentaires de répondre à la question du pourquoi. Il conclut ainsi sa présentation :
« La science n’a donc pas réussi là où la métaphysique a échoué. Les scientifiques sont incapables d’aider les métaphysiciens, ces derniers ne sont pas capables de s’aider eux-mêmes, et nous n’avons pas répondu à la question ‘Pourquoi devrait-il y avoir quelque chose[23] ?’ »
Ainsi, toute la partie centrale du manuel démontre que la métaphysique ne parvient pas à résoudre certaines questions qui, bien qu’elles persistent, ne trouveront probablement jamais de réponses. On peut cependant penser qu’elles demeureront l’objet, pour les êtres rationnels que nous sommes, et tant que nous persistons à regarder le monde avec émerveillement, d’une sempiternelle recherche.
Les habitants du monde
Justement, toute la troisième partie (chapitres 7, 8, 9, 10, 11) parle de nous – êtres rationnels que nous sommes –, les habitants du monde. Les deux premiers chapitres (7 et 8), « Quels êtres rationnels y a-t-il ? » et « La place des êtres rationnels dans le monde » sont l’occasion pour Van Inwagen, de porter la question autour de notion la finalité de ces êtres – ou du déni que leur existence ait une quelconque signification[24]. Se peut-il que les animaux rationnels que nous sommes aient pu venir à l’existence au gré de la fortune, se demande le philosophe ?
Au XIXème siècle, selon le métaphysicien, dans la mesure où la représentation du cosmos était particulièrement vague, une théorie qui explique comment les animaux rationnels en sont venus à exister par hasard était, encore possible[25]. Aujourd’hui, notre vision du cosmos est devenue bien plus précise et plus unifiée, précise l’auteur. Deux éléments principaux ont modifié notre représentation : d’un côté, la nature des particules élémentaires et des forces par lesquelles elles interagissent et, de l’autre, notre image de la structure et le l’histoire du cosmos depuis le Big Bang. Ainsi, à l’instar de l’honnête homme du XVIIème et fortifié par les dernières connaissances de la science, le philosophe use de l’argument qu’on appelle « fine-tuning » – argument qui tend à laisser penser que l’ajustement des valeurs des principales constantes de la nature qui rendent possible la vie ne peut pas être le fruit du hasard. Selon cet argument, une infime modification d’une constante ou des conditions initiales n’aurait produit qu’un univers stérile[26]. D’où la question induite : « Pourquoi le cosmos semble avoir été minutieusement réglé par quelqu’un qui pensait à la vie ? » Question pour le moins spéculative, voire incongrue pour le naturalisme méthodologique de la science, qui invite au chapitre suivant : « La place des êtres rationnels dans le monde ».
Dans ce chapitre est exposé l’argument téléologique appelé également argument du dessein (design)[27]. Ici, la discussion s’enquérant de la théorie de Darwin, présentée comme la réfutation la plus sérieuse à l’argument du dessein est « régionalisée » aux êtres vivants sous prétexte que l’argument du dessein concerne le cosmos tout entier. Néanmoins, la théorie darwinienne a cherché à montrer que le hasard pouvait produire des résultats que l’on pourrait être tenté d’attribuer à un dessein rationnel. Toute l’argumentation de Van Inwagen consiste alors à nous conduire vers la conclusion que le cosmos n’existe pas lui-même.
Ne soyons pas surpris ! Van Inwagen, dès l’introduction avait prévenu : « Certains livres de philosophie donnent l’impression que leurs auteurs défendent leurs positions uniquement sur la base d’arguments logiques et d’évaluations objectives de données soigneusement collectées […] Je ne prétends pas sonder les reins et les cœurs, mais je doute qu’un métaphysicien ait jamais procédé ainsi[28]. » On ne peut nier que l’exposé des chapitres 7 et 8, confirme bien la difficulté d’échapper à certains biais qui, en dehors des arguments purement philosophiques, nourrissent une opinion. A l’évidence, le chrétien membre de l’église catholique et apostolique qu’est Van Inwagen hypostasiant un Dieu grand ami de la science et ajusteur des constantes physiques, entre bien dans cette tradition, pour le moins discutable[29], de la conciliation entre la science et la religion[30]. Néanmoins, bien que l’on puisse être quelque peu désappointé par l’insistance et la longueur des démonstrations autour de ces questions dans un ouvrage d’introduction à la métaphysique édité au XXIème siècle – insistance qui peut laisser croire que la discipline possède un caractère fortement religieux[31] –, il faut admettre que l’auteur permet à son lecteur d’entrer dans ce que l’on pourrait appeler, adoptant le fameux énoncé de Thomas Nagel, What is it like to be a reader of a metaphysics[32] ? En effet, au travers d’exemples, bien dans l’originalité de la philosophie analytique et dans une écriture non dénuée d’humour, qui fonctionnent comme de véritables expériences de pensée, l’auteur examine chacune des questions, comme nous l’avons défini plus-haut, sans arbitraire ni dogmatisme. Ce serait donc faire un fâcheux contre sens de penser que de la présentation des arguments de Van Inwagen découle une sorte de confirmation de la religion. On ne trouve en effet, dans ce livre, ainsi que dans tout ouvrage de métaphysique, seulement des considérations philosophiques. Ainsi, alors que certains pourront y détecter un énième élément du complot théologique des analytiques, un lecteur non averti de la querelle y trouvera simplement la possibilité de questionner la place qu’il occupe dans la nature au moyen de l’observation et de la seule raison.
Enfin, les trois derniers chapitres dédiés aux habitants du monde, examinent la nature des êtres rationnels (chapitres 9 et 10) et celui de leurs pouvoirs (chapitre 11).
Les réponses qui s’opposent lorsque la question de la nature des êtres humains se pose sont celles qui relèvent du physicalisme et du dualisme. D’un côté, les entités individuelles que sont les humains sont des entités physiques que les biologistes classent dans l’espèce Homo sapiens et de l’autre, ce qui désigne une personne (ou un « je », un « moi », un « ego »…) est une entité non physique, dénuée de propriétés physiques (ni taille, ni poids par exemple). Mais pourquoi ne pas penser que les organismes humains et les personnes sont une seule et même chose ? La réponse ne fait pas l’unanimité. Le physicaliste soutiendra que les personnes humaines sont des entités physiques alors que le dualiste théorisera sur la double nature à la fois physique et mentale des êtres rationnels. S’ensuit alors une présentation des principaux arguments qui balisent le problème du corps et de l’esprit et dans laquelle l’auteur faisant œuvre de pédagogie tente de clarifier cinq arguments en faveur du dualisme[33] :
Premier argument (Descartes) :
Je peux concevoir que mon corps n’existe pas
Mais je ne peux pas concevoir que je n’existe pas
Donc je ne suis pas mon corps.
Deuxième argument[34]:
Les entités physiques ne peuvent ni penser ni sentir
Or les personnes humaines peuvent penser et sentir
Donc les personnes humaines ne sont pas des entités physiques.
Troisième argument[35]:
Je suis plus proche de mes mains que de mes pieds
Mon corps n’est pas plus proche de mes mains que de mes pieds
Donc je ne suis pas mon corps.
Quatrième argument[36]:
Il peut y avoir dans le cosmos d’autres êtres rationnels
Il se peut que ces êtres rationnels soient très différents de nous sur le plan physique
Donc nous ne sommes pas des entités physiques.
Dans l’élucidation des raisons qui conduisent à la conclusion de chaque argument, le métaphysicien effectue le travail d’explicitation des prémisses et fait usage de concepts particuliers (propriété, type, occurrence, etc.), juge de la validité des inférences qui conduisent à la conclusion et qui permet aussi de critiquer la thèse adverse ou les objections à la thèse défendue. Ainsi, le lecteur, qui a suivi pas à pas l’élaboration minutieuse du raisonnement est en mesure, sinon d’entrer dans le débat (ce que seul un professionnel ayant étudié toute la littérature peut faire) du moins de réfléchir aux options qui s’ouvrent à lui.
Le cinquième argument[37], quant à lui, qui prétend démontrer la supériorité du dualisme sur le physicalisme en affirmant que seul le premier permet de rendre compte de l’identité personnelle à travers le temps est l’objet de tout le chapitre 10. La question est celle de savoir ce qui fait qu’une personne reste la même au fil du temps. Si la personne est une entité physique, la matière dont elle est composée change en permanence. Mais, si l’on suit le physicalisme, l’agrégat d’atomes qui constituait la personne il y a dix ans s’est depuis dispersé dans la nature. Donc le physicalisme est absurde. A moins de penser que l’identité à travers le temps ne serait qu’une sorte de fiction utile ou… de se convertir au dualisme ! Toutefois les physicalistes avancent un autre critère, celui de la continuité psychologique. Mais ce critère demande que l’on accepte la conséquence de la possibilité du transfert corporel, autrement dit de la possibilité qu’une personne humaine change de corps simplement par un transfert d’informations d’un cerveau à l’autre. Mais cela ne reviendrait-il pas à un changement d’identité pour l’organisme humain ? S’ensuit alors une discussion qui fait appel à ce que la littérature nomme le quadridimensionnalisme[38], qui semble sauver le physicalisme tout en laissant en suspens certains problèmes si ce n’est en les compliquant singulièrement comme, par exemple, celui de la croyance d’une vie après la mort[39]. Ensuite, après avoir repris les arguments dualistes Van Inwagen estime qu’il est parvenu à montrer que le physicalisme est la théorie la plus raisonnable concernant la nature des êtres humains mais qu’une sorte de mystère demeure et qu’en conséquence, cette conclusion n’est que provisoire[40].
Le dernier chapitre du livre expose justement ce qui pour le métaphysicien est qualifié à maintes reprises de « mystère », à savoir le libre arbitre[41]. Avant d’en arriver à cette conclusion mystérianiste, l’auteur, une fois encore rend explicite les thèses en présence. Entre la position compatibiliste qui doit accorder le déterminisme avec la possibilité de faire autrement quelque chose que l’on s’apprête à faire, et l’incompabtibilisme (la version qui soutient que le pouvoir de libre arbitre est incompatible avec le déterminisme) Van Inwagen insiste pour nous dire deux choses :
1/ Il y a devant moi plusieurs séries d’actions qui me sont ouvertes : « C’est une conviction inébranlable un point c’est tout[42]. »
2/ L’issue de nos délibérations sur nos actes est indéterminée et cela n’empêche pas que l’issue de ces délibérations dépend parfois de nous[43].
Pour Van Inwagen, le point (2/) demeure un mystère mais ce serait un mystère moindre par rapport à celui de croire que le libre arbitre est une illusion. Autrement dit, « Il n’y a aucune position concernant le libre arbitre où l’on ne se retrouve pas confronté à un mystère[44]. »
*
La conclusion de l’ouvrage[45] considère une autre question fondamentale, celle de l’Etre, et que résume la question « Quelles sont les propriétés les plus générales du monde, et quels genres de choses contient-il ? ». Se questionner ainsi c’est pour Van Inwagen, et pour le projet métaphysique dans son ensemble, prendre au sérieux la possibilité que le monde soit intelligible. Cela ne revient pas à dire que les réponses seront données prochainement – ou même dans un futur proche – dans l’article d’une revue universitaire, non, cela veut dire, que malgré nos limites cognitives, ce genre de question a tout son sens. Plus que cela, bien que des doctrines différentes peuvent être défendues, ce qui relève du « savoir » ou d’une « connaissance » en métaphysique n’est pas fondamentalement distincte de la connaissance scientifique. C’est pourquoi l’on peut s’interroger sur l’insistance du philosophe, dans un livre d’introduction, à traiter si longuement certains thèmes qui n’occupent pas une place centrale dans les travaux contemporains de métaphysique et qui peuvent donner l’idée que le savoir ou la connaissance métaphysique est le fruit d’une discipline spécifique alors qu’elle porte sur les mêmes objets – le monde et son mobilier – que toutes les sciences. Néanmoins, que ce soit par le style ou la précision des arguments, le livre de Van Inwagen est sans doute un des meilleurs moyens en français, pour commencer la visite de l’atelier du métaphysicien.
Références
[1] Traduit par P.A. Miot.
[2] Cf. J. Wilson, « The question of Metaphysics », The Philosophers’ Magazine, Issue 74, p. 90-96, 2016.
[3] Metaphysics, Prentice Hall, 1992.
[4] A Survey of Metaphysics, New York, Oxford University Press, 2002.
[5] Metaphysics: A Contemporary Introduction, Fourth Edition, London, Routledge, 2017.
[6] Outre le livre de F. Nef déjà cité, dont le titre est l’énoncé de la question, celui-ci est aussi le titre d’une célèbre conférence de Martin Heidegger de 1929 et très récemment comme le veut la collection des éditions Vrin « Qu’est-ce que », le même énoncé a refait son apparition à propos de la métaphysique, A. Cambier, 2016.
[7] F. Nef, dans son livre Qu’est-ce que la métaphysique, Paris, Gallimard, 2004, ch. 1, recense tous les usages les plus récents du terme en errance dans la littérature, la musique, voire la science.
[8] Et il est peu probable que l’on puisse tirer une clarification en allant chercher dans l’histoire du terme. E. J. Lowe dans son article intitulé « La connaissance métaphysique », trad. fr. F. Nef, Revue de Métaphysique et de morale, n° 36, 2002, écrit, p. 3, « C’est certainement simplement du fait d’un accident historique que la métaphysique porte ce nom, un résultat du fait que l’on a nommé Métaphysiques d’Aristote ce qui était placé selon l’ordre canonique après un autre traité, les Physiques – le préfixe meta signifiant cette relation. »
[9] p. 12.
[10] R. Carnap, H. Hahn et O. Neurath, « La conception scientifique du monde ». Le Cercle de Vienne, Le Manifeste du Cercle de Vienne, Paris, Vrin, 2010.
[11] p. 26.
[12] p. 27.
[13] p. 23.
[14] p. 23, note1.
[15] p. 28.
[16] Chaque chapitre renvoie à une bibliographie qui permet d’approfondir le sujet.
[17] Le « monde » dont il est question en métaphysique est le terme qui englobe toutes les choses (Dieu y compris s’il existe). Cette position s’oppose au pseudo-réalisme dont parle Markus Gabriel dans son livre Pourquoi le monde n’existe pas !
[18] p. 131.
[19] p. 135.
[20] p. 154.
[21] p. 187.
[22] Les questions métaphysiques ne peuvent être traitées par la science. Van Inwagen, p. 211, cite cependant D. Kolak et R. Martin, The Experience of Philosophy, New York, Oxford University Press, 1991, p. 79-80, qui écrivent « La science moderne n’a pas ignoré la question « pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? ». Depuis toujours, il est possible d’apporter une réponse scientifique : cette réponse se fonde sur l’idée selon laquelle c’est parce que le néant est nécessairement instable que l’univers existe nécessairement. Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? De manière ultime, parce que quelque chose – l’univers – existe nécessairement. » ; on peut lire également sur le sujet, l’article de Paul Clavier « La création ex nihilo : un concept inanalysable ? », ThéoRèmes 2, 2012.
[23] p. 214.
[24] p. 228.
[25] p. 233.
[26] Pour une présentation de l’argument, on peut consulter l’ouvrage imposant, mais unique en son genre par son style analytique, d’une approche philosophique de l’existence de Dieu, de Frédéric Guillaud, Dieu existe, arguments philosophiques, Paris, Cerf, 2013, p. 299-303. L’ouvrage de Guillaud aborde également les autres grands arguments et fait suite à une première partie contre la thèse kantienne selon laquelle on ne peut démontrer l’existence de Dieu. Pour un contre -argument, on trouve dans le livre de Richard Dawkins, The God Delusion, trad. fr. M. F. Desjeux-Lefort, Pour en finir avec Dieu, Paris, Robert Laffont, 2006, ch. 4, une critique de l’argument du dessein qui, depuis Darwin, peut apparaître comme une illusion.
[27] Pour un contre-feu documenté, on peut lire D. C. Dennett, trad. fr. P. Engel, Darwin est-il dangereux ?, Paris, Odile Jacob, 2000. Pour un point de vue athée, refusant l’explication du dessein mais qui considère que la question posée par les tenants du dessein intelligent est une question qui mérite qu’on s’y intéresse, le livre de T. Nagel, Mind and Cosmos : Why the Materialist Neo-Darwinian Conception of Nature is Almost Certainly False, New York, Oxford University Press, 2012, (traduction française en préparation) offre un point de vue remarquable sur la pensée matérialiste réductionniste. Il écrit, p. 12 : « Je ne suis pas d’accord avec le principe des partisans du dessein intelligent, principe qu’ils partagent avec leurs adversaires, qui veut que la théorie réductionniste basée sur les lois physiques du type de celles que nous connaissons, soit la seule alternative naturaliste possible. Toutefois, je crois que nous devons remercier les partisans du dessein intelligent d’avoir contesté une vision scientifique du monde qui doit en partie l’engouement affiché par ses partisans précisément au fait qu’elle est censée nous affranchir de la religion. »
[28] p. 31.
[29] La concorde est la recherche de la compatibilité entre la doctrine chrétienne de la création et l’action divine avec la science. On peut lire sur le sujet l’ouvrage du sociologue Yves Gingras, L’ impossible dialogue. Sciences et religions, Paris, PUF, 2016.
[30] Dans les années 1990, l’Observatoire du Vatican et le Centre de théologie et de sciences naturelles (Berkeley, Californie) ont coparrainé une série de conférences sur l’action divine. L’objectif de ces conférences était de comprendre l’action divine à la lumière des sciences contemporaines. (cf. l’article de Helen De Cruz dans la Stanford Encyclopédia of Philosophy, 2017. On peut lire l’ancienne version de l’article écrite par le philosophe Alvin Plantinga qui insiste justement sur la concorde.)
[31] Ce qui n’est pas le cas dans la recherche contemporaine où la métaphysique et l’ontologie ne traitent ces questions qu’à la marge, voire pas. Cf. les textes clés rassemblés dans Métaphysique contemporaine : Propriétés, mondes possibles et personne, Emmanuelle Garcia et Frédéric Nef (éds.), Paris, Vrin, 2007, Ontologie, Identité, structure et métaontologie, Frédéric Nef et Yann Schmitt (dir.), Paris, Vrin, (à paraître en août 2017).
[32] Cela pose la question de savoir si certains états mentaux – par exemple, la réflexion que l’on peut avoir sur les tropes ou les universaux, ou encore sur le statut ontologique des propriétés – pour lesquels on n’associe habituellement pas la notion de qualia pourraient néanmoins se voir attribuer des propriétés qualitatives.
[33] p. 273.
[34] p. 275.
[35] p. 285.
[36] p. 286.
[37] p. 293.
[38] Le quadridimensionnalisme considère que les objets qui persistent ont, en plus des trois dimensions spatiales, une dimension temporelle. Ils sont étendus temporellement. Cf. « Les objets quadridimensionnels » de P. Van Inwagen, trad. fr. F. Lihoreau, dans textes clés, op. cit., Emmanuelle Garcia et Frédéric Nef (éds.), 2007, p. 255-268.
[39] R. Pouivet, dans « De van Inwagen à saint Athanase, une ontologie personnelle de la résurrection des corps », Klesis, 17, 2010, fait le point sur les options métaphysiques existantes qui permettent de répondent à la question « Que sommes-nous ? » et expose le matérialisme chrétien de Van Inwagen et la possibilité de la résurrection. Pour un examen complet de la réponse à la question, « Que sommes-nous ? », les éditions d’Ithaque, viennent de publier la traduction du livre livre d’Eric Olson, Que sommes-nous ? Sur la nature métaphysique des personnes, trad. fr. B. Gaultier, mars 2017.
[40] p. 312.
[41] La traduction du livre de P. Van Inwagen, par C. Michon, Essai sur le libre arbitre, paraîtra chez Vrin en septembre 2017.
[42] p. 333.
[43] p. 334.
[44] p. 334.
[45] Il s’agit de la quatrième édition d’un ouvrage d’introduction à la métaphysique que l’auteur a révisé au fil des éditions ajoutant des sections (sur la nature de l’être et l’existence) ou en modifiant, afin de l’adapter au mieux à un lectorat le plus large, certaines autres (le chapitre sur le temps en particulier). La traduction de cette quatrième édition permet donc au lecteur français d’avoir entre les mains un manuel devenu un classique.
2 Commentaires
Merci beaucoup pour ce long compte rendu d’un livre que je ne lirai pas (même en anglais…), mais qui a retenu mon attention.
Je me permet d’entrer dans le débat (!) très marginalement, en m’interrogeant sur pourquoi les Français n’écrivent pas de livres de… « vulgarisation » (mot détestable, certes…) de qualité sur la métaphysique à l’heure actuelle.
…
Quatre observations très brèves pour une fois. A la question « pourquoi y a-t-il quelque chose ? », je pense au « Roi Lear » de Shakespeare, dans la scène initiale où une perfide, et très jeune Cordélia répond à son vieux père en se mettant du côté de la Vérité pour lui répliquer qu’elle ne peut RIEN dire de mieux que ses deux soeurs dans la petite cérémonie d’adieu qu’il a manigancé pour lâcher le pouvoir. Et Lear de répondre « Rien » ? « Rien ne vient de rien. Parle encore ». Et la pièce continue en implacable démonstration de COMBIEN vient de ce RIEN. C’est terrifiant, le poids de ce rien, même.
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Ce qui m’amène au langage, et à la tendance à réduire le langage à un phénomène que notre moi conscient MAITRISE, sans penser que les mots… disent plus, ou même autre, que ce que nous « voulons dire » (en soi, une expression terriblement française, car réduire parler à l’expression de ce que je VEUX dire… c’est une grande réduction). On peut faire cette observation sans épouser un relativisme absolu, il me semble.
…
A plusieurs reprises chez moi, j’ai observé la chatte de mes enfants, par temps très chaud, s’installer sur des dalles en terre cuite, l’endroit précis de la maison où il fait le plus frais. Ce comportement, à mon sens démontre que la petite chatte bien domestiquée exerce sa raison rationnelle afin de mieux vivre. En cela, je ne vois pas de grande différence entre elle et moi (ou vous) QUAND NOUS EXERÇONS NOTRE RAISON).
Mais l’Homme ne vit pas que de raison, et je crois qu’il est dommage de le réduire à un animal rationnel. Il peut être tellement d’autres choses, qui sont aussi admirables. En tout cas, donner à l’Homme le monopole de la raison me semble mal fondé. Je n’y crois pas.
Notre époque ressemble comme deux gouttes d’eau au 17ème français, quand on a invoqué la raison à droite et à gauche, à tort et à travers, avec beaucoup de passion, même, et le pouvoir royal a fait passer sur le bucher de l’Inquisition un grand nombre de… »déraisonnants »…
…
Enfin, pour la permanence identitaire, nous pourrions imaginer qu’il y a une mémoire, et une transmission… cellulaire qui permettrait en partie cette permanence. Pourquoi pas ? Une cellule ne pourrait-elle pas se souvenir ? Tout en informant (au sens littéral..) notre conscience, à sa manière ?
Ce serait physicaliste ? Je vois que le dualisme cartésien à la vie dure…
Auteur
La métaphysique est un besoin naturel des humains. Nous avons tous des intuitions à propos de ce genre de questions. La métaphysique comme discipline de recherche tente, au-delà des intuitions, de formaliser des arguments. Le matériau de base de la métaphysique est constitué d’un certain nombre de données qui sont indépendantes de toute philosophie. Par exemple que vous existez, que vous avez un corps, que vous n’avez aucun contrôle sur les choses ou événements du passé, que parfois il vous arrive de faire des choix entre deux actions possibles, que parfois vous délibérez à leur sujet, que vous devenez chaque jour un peu plus vieux, qu’un jour vous serez mort, etc. Un problème métaphysique vient alors quand certaines données ne semblent pas cohabiter correctement au point que leur rapprochement peut conduire à des inconsistances. La tâche métaphysique consiste alors à trouver une théorie appropriée susceptible de résoudre le conflit. Le livre de Van Inwagen peut aider à entrer dans le travail métaphysique. Disons qu’il peut nous aider, à partir de nos intuitions ordinaires, à fortifier certaines de nos croyances ou de nous en détourner.