Première publication, décembre 2006 (révisée août 2015)
La thèse défendant l’irréductibilité des états mentaux se base sur un dualisme des propriétés.
Le dualisme des substances tel que Descartes l’a soutenu conçoit deux genres de substances : les substances mentales et les substances matérielles. Les substances matérielles sont étendues, et leurs propriétés sont des modes d’extension. Les substances mentales, au contraire, pensent, et leurs propriétés sont des modes de pensée. Dans cette ontologie, la substance étendue ne pense pas et la substance pensante n’est pas étendue. Les caractéristiques de l’extension et de la pensée s’excluent donc mutuellement.
Le dualisme des propriétés, quant à lui, affirme l’existence d’une simple substance physique (monisme), mais affirme aussi que cette simple substance peut posséder deux genres de propriétés : des propriétés mentales et des propriétés physiques – les premières n’étant pas réductibles aux secondes.
Le dualisme des propriétés vient se greffer sur une image métaphysique du monde hiérarchisée par niveaux et ne contenant donc qu’une seule substance physique. Certains éléments du monde, les pierres par exemple ne peuvent s’élever à la possession de propriétés mentales, alors que d’autres éléments, situés relativement haut dans la hiérarchie peuvent eux, posséder deux genres de propriétés : des propriétés physiques et des propriétés mentales. Deux genres différents de propriétés peuvent ainsi être exemplifiées ou co-exemplifiées par le même porteur. Une personne, par exemple, peut mesurer 1,85 m et avoir la propriété mentale de croire que Florence est située à l’est de Sienne.
On peut aussi se demander si une substance pourrait posséder seulement des propriétés mentales ? Les partisans du dualisme des propriétés, ceux qui sont physicalistes, refuseront cette possibilité d’entités immatérielles telles que les esprits ou les anges.
Les tenants du dualisme des propriétés rejettent donc la thèse de l’identité des propriétés – thèse selon laquelle les propriétés mentales sont des propriétés matérielles. Cependant, ils acceptent une forme plus faible de la théorie de l’identité que l’on appelle « l’identité des occurrences » (Token Identity). Cette identité affirme que chaque substance ou événement mental est identique à une certaine substance ou événement matériel.
Le problème avec le dualisme des propriétés n’est pas tant que des propriétés mentales inévitablement se produisent en même temps que des propriétés matérielles, mais que ces propriétés, bien qu’elles puissent être définies comme des propriétés de plein droit, sont fondées ou dépendantes ou réalisées par des propriétés physiques. Nous possédons certaines propriétés mentales parce que nous avons certaines propriétés physiques (sans doute des propriétés neurobiologiques). Cependant les partisans du dualisme des propriétés sont souvent convaincus que les propriétés mentales résident à un niveau d’être supérieur. D’un autre côté, le matérialisme traditionnel échoue à identifier les esprits et leurs contenus avec des phénomènes de niveau inférieur.
Le challenge de l’engagement dualiste quant aux propriétés, impose donc de détenir une solution au problème du lien qu’entretiennent ces deux genres de propriétés. Le dualisme des propriétés, soulève en effet, le problème de l’interaction entre le corps et les phénomènes de l’esprit. Mes pensées – nous en faisons l’expérience chaque jour – exercent une influence causale dans le monde physique. C’est, en effet, dans la relation causale, que la résolution du problème de l’interaction entre les deux genres de propriétés doit de manière cruciale, trouver une issue intelligible et cohérente.