Première publication, décembre 2007 (révisée août 2015)
Lorsqu’en raison d’une incompatibilité avec notre métaphysique de la causalité, nous repoussons le dualisme des substances, nous ne faisons que déplacer le problème de l’interaction causale entre le corps et l’esprit.
Pour expliquer comment l’esprit et le corps interagissent causalement, on considère alors un dualisme des propriétés. Par ce moyen, en permettant aux possesseurs de propriétés mentales d’être aussi porteur de propriétés physiques, on espère éviter le problème de l’inintelligibilité causale auquel nous conduit le dualisme des substances. En effet, le dualisme des propriétés, dont il est question dans le débat contemporain sur la causalité mentale, ne s’enracine pas dans un dualisme des substances, mais repose sur une image métaphysique du monde ne contenant qu’une seule substance physique. Ainsi, certains éléments du monde, les pierres par exemple ne peuvent s’élever à la possession de propriétés mentales. Cependant, certains éléments, situés relativement haut dans la hiérarchie de ce monde stratifié, peuvent posséder deux genres de propriétés : des propriétés physiques et des propriétés mentales. Le dualisme des propriétés est donc un monisme (une seule substance) permettant à deux genres différents de propriétés d’être exemplifiées ou co-exemplifiées par le même possesseur. Je peux avoir une masse de 80 kg (propriété physique) et croire que Sarkozy est président de la république (propriété mentale). Pour le dire d’une manière générale, une chose possédant des propriétés mentales possèdera nécessairement des propriétés physiques.
Ainsi lorsque l’on soutient que les causes mentales produisent des effets physiques, nous parlons de la pertinence des propriétés mentales dans la relation causale. Cette pertinence causale signifie que c’est en vertu de l’existence de certaines propriétés, en l’occurrence des propriétés mentales, qu’une certaine cause produit un certain effet.
Le monisme des substances vient alors modifier les relata de la relation causale. Ce ne n’est plus, en effet, la substance non étendue qui entre en relation avec la substance matérielle, mais l’instance de la propriété mentale qui entre en relation avec l’instance de la propriété physique. Cette modification des relata, imposée par l’abandon de la thèse cartésienne, nous fait alors considérer que l’esprit cause le comportement en vertu de ses propriétés mentales. Prenons un exemple :
La douleur ressentie à la tête par la personne X, à l’instant t cause son déplacement vers l’armoire à pharmacie à t + 1.
Dans cet exemple, c’est un événement qui s’est produit à un instant précis qui en cause un autre. Cependant, une fois la cause identifiée, il nous faut rechercher la propriété responsable de cette cause. Le particulier X à t possède un grand nombre de propriétés, comme par exemple d’avoir une masse de 80 kg ou de croire que Sarkozy est président de la république. Cependant, seule l’instance de la propriété d’éprouver une douleur à la tête, peut être considérée comme causalement pertinente pour l’effet qui le fera se déplacer vers l’endroit où se trouve l’aspirine. C’est, en effet, en vertu de la possession de certaines propriétés qu’une cause est agissante. Autrement dit, chaque cause d’un effet possède un grand nombre de propriétés, mais parmi cet ensemble de propriétés, un grand nombre d’entre elles ne jouent aucun rôle dans la relation causale.
On peut donc poser un principe qui affirme que lorsqu’un état mental cause un état physique ou pour le dire plus précisément, lorsqu’un événement mental cause un état physique, il le fait en vertu de l’existence de propriétés mentales pertinentes.