Première publication, décembre 2006 (révisée août 2015)
Si l’on est réaliste au sujet des propriétés en général, – c’est-à-dire, si nous affirmons que les propriétés des choses existent indépendamment de nos croyances, de nos pratiques linguistiques ou encore de nos schémas conceptuels – on doit chercher à identifier leur rôle ou le travail qu’elles sont censées accomplir dans le monde. La propriété d’être sphérique, par exemple, que possède une boule de pétanque, confère à celle-ci un certain pouvoir, celui de rouler. Le rouge particulier que possède une pomme, autre exemple, peut déclencher la réaction d’une photodiode d’un détecteur de couleur.
Le philosophe Sydney Shoemaker, parmi d’autres, a soutenu que nous pouvions reconnaître les propriétés justement par ce qu’elles activent dans le monde :
Nous connaissons et reconnaissons les propriétés par leurs effets, ou plus précisément, par les effets des événements qui sont l’activation des pouvoirs causaux que les choses ont, en vertu de posséder ces propriétés[1].
Ainsi, les propriétés intrinsèques des choses sont connues et se distinguent par certains pouvoirs qu’elles confèrent aux choses. Autrement dit, ce qui se produit dans le monde physique, est redevable aux propriétés des objets à un moment t.
En appliquant ce principe aux seules propriétés susceptibles d’effectuer un travail causal, nous traçons une ligne de démarcation entre l’ordre du langage d’un côté, dépendant de nos esprits et les propriétés dans le monde, existant « dans » les objets, de l’autre. Ici, une distinction s’opère entre les prédicats, qui ont le rôle linguistique de nommer ou de désigner une propriété, et les propriétés elles-mêmes. On peut alors se poser la question de savoir si chaque propriété est désignée par un mot ? La réponse est bien sûr « non ». Les progrès de la science consistent, en effet, à mettre en évidence de nouvelles propriétés des choses et quand une propriété nouvelle est identifiée, il faut lui inventer un nouveau nom. Ainsi, c’est en observant le monde et en pratiquant des expériences, que les propriétés nous sont données. C’est donc à la science que revient en priorité le rôle de rechercher les propriétés des choses. Cette conception scientifique de la nature des propriétés est ainsi exprimée par David Armstrong :
Ce que sont les propriétés et les relations dans le monde, doit être décidé par le total de la science, c’est-à-dire, par la somme totale de toutes les enquêtes concernant la nature des choses.[2]
Quelle place alors pouvons-nous faire, au sein d’une telle conception des propriétés – et que certains pourraient qualifier d’« austère » – aux propriétés mentales ? That is the question !
Références
[1] 1980, « Causality and Properties » reprinted in Identity Cause and Mind, 2003, Cambridge: Cambridge University Press, p. 214.
[2] 1979, A Theory of Universals, Cambridge: Cambridge University Press.