Première publication, janvier 2007 (révisée août 2015)
Ce qu’est l’esprit ne peut pas se comprendre aux seules avancées de la science empirique. Posséder une théorie empirique adéquate du fonctionnement du cerveau, par exemple, doit s’accompagner d’une ontologie suffisamment claire pouvant abriter ces découvertes. C’est le travail de la métaphysique.
Ainsi lorsque l’on cherche à répondre à la question « Comment est-il possible qu’un événement mental puisse causer un événement physique ? », il nous faut éclaircir la notion d’événement. Selon la théorie des événements que l’on soutiendra, le problème de la causalité mentale s’ouvrira ou se fermera à certaines solutions. Il en est de même pour la notion de propriété ou encore d’objet, mais pour l’heure, demandons-nous ce qu’est un événement.
On peut dire, grossièrement, que les événements sont des choses qui arrivent à un certain moment. Par exemple, la pendaison d’un dictateur déchu au petit matin ou encore une voiture incendiée la nuit de la saint Sylvestre sont des événements. D’un point de vue métaphysique tous les événements ont quelque chose en commun. Reste alors à rendre compte de leur nature commune. Pour cela, il faut rechercher les critères de leur individuation. Par exemple, si une personne la nuit de la saint Sylvestre provoque l’incendie d’une voiture en lui jetant un cocktail Molotov, sommes-nous face à deux événements, le jet d’un objet incendiaire contre une voiture et la mise à feu d’une voiture, ou seulement face à un seul événement ? Pour individualiser les événements il faut alors se demander à quelles conditions deux événements seront identiques.
Pour Davidson, « les événements sont des individus non répétables, datés, comme l’éruption particulière d’un volcan…[1] » Ainsi on doit comprendre les événements comme des particuliers datés, c’est-à-dire des occurrences non répétables.
En philosophie de l’esprit, parce que le lien entre le mental et le physique constitue le problème central, on cherche à distinguer les événements mentaux des événements physiques.
Pour Davidson, les actions sont des événements. Cependant, pour qu’un événement soit une action, il doit être décrit mentalement. En effet, selon Davidson, un événement peut être spécifié mentalement ou physiquement. C’est-à-dire, qu’un événement physique est un événement que l’on identifie au moyen d’une description physique. Un événement mental, quant à lui, utilise des termes mentaux.
L’idée qu’un même événement puisse recevoir une description en termes mentaux ou une description en termes physiques est ici très importante. En effet, cette possibilité nous offre un moyen par lequel une même occurrence de comportement peut être comprise, comme intentionnelle ou non. Appuyer sur un interrupteur électrique, par exemple, est un événement qui peut être décrit de plusieurs manières, comme : a) un certain mouvement de mon corps ou encore, comme b) l’action me permettant de poursuivre ma lecture ou c) l’action de réveiller le chat endormi sous la lampe.
Dans le cas d’un événement recruté comme en causant un autre, la description de celui-ci s’avère alors cruciale. En effet, nous pourrions lire dans deux journaux du début d’année deux titres décrivant le même événement qui se serait produit la nuit de saint Sylvestre : « l’incendie volontaire d’une voiture la nuit de la saint Sylvestre », par exemple, et « le jet d’un objet incendiaire contre une voiture la nuit de saint Sylvestre ». Chacun de ces deux titres se réfèrent au même événement causant la destruction d’une voiture, mais seule la seconde description pourra être utilisée comme véritable explication causale.
Associée à la thèse de l’anomalisme du mental cette conception des événements permet d’intégrer le physicalisme qui affirme que tous les événements, en dehors du fait que l’on peut les décrire avec des termes mentaux, sont des événements physiques. Toutefois, cette conception des événements permet au mental de recevoir une explication qui n’est pas purement physique. Reste à savoir, dans la mesure où seuls les événements tombant sous une description physique peuvent entrer en relation causale, si utiliser des termes mentaux peut suffire à rendre compte de la causalité mentale.
Références
[1] 1970, « Mental Events », in Davidson (1980), Essays on Actions and Events., trad. Française P. Engel, Actions et événements, Paris, P.U.F., 1993, p. 280.