Première publication, janvier 2007 (révisée août 2015)
On peut caractériser l’individuation des événements, soutenue par Davidson comme n’étant pas d’un grain très fin. En effet, un même événement peut posséder un nombre indéfini de propriétés, d’aspects ou de structures.
L’approche de J. Kim concernant les événements se distingue de celle de Davidson à la fois par la finesse de l’individuation et, faisant intervenir les propriétés, par l’éclairage directement métaphysique qu’il apporte à la notion d’événement. En effet, Davidson résiste à considérer les propriétés comme des entités réelles. A l’usage d’expressions comme « propriétés mentales » ou « propriétés des objet dans un événement », il préfère parler de prédicats. Pour lui, les propriétés sont des termes linguistiques, c’est-à-dire seulement des manières de décrire les événements. Selon Davidson, il n’y a rien dans les événements qui pourraient déterminer leur description. Les propriétés ne sont donc pas des partenaires ontologiques des événements.
J. Kim[1] mais aussi J. Bennett[2] définissent les événements comme l’exemplification par un objet (x), d’un attribut (relation ou propriété P), à un moment donné ou sur une période (t). Kim représente les événements de la façon suivante :
[x,P,t]
Ainsi, un événement existe si et seulement si x exemplifie une propriété P à un instant t.
Le principe d’identité entre deux événements est alors le suivant :
[x,P,t] = [y,Q,t’] si et seulement si x = y, P = Q, et t = t’
Ce principe signifie que l’événement unique qui consiste en l’exemplification de la propriété P par l’objet x à un instant t, est identique à l’unique événement qui consiste en l’exemplification de la propriété Q par l’objet y à un instant t’.
De la sorte, lorsque ce matin j’ai ressenti une douleur à la tête (exemplification d’une propriété), il s’agissait d’un événement, différent de ma douleur à la tête ressentie la veille. Ainsi, pour Kim, les événements sont des particuliers concrets non répétables ayant une location spatio-temporelle précise et exemplifiant une seule propriété.
Bien sûr un événement peut exemplifier plus d’une propriété, mais une seule et unique propriété est constitutive de l’événement. En effet, l’événement d’avoir mal à la tête ce matin exemplifie un grand nombre de propriétés, telles que mon poids ou encore une certaine position à un endroit de la planète, mais seule la propriété d’éprouver une douleur est constitutive de l’événement. On dira que les autres propriétés ne sont pas constitutives de l’événement.
La différence entre la conception des événements, selon Davidson et selon Kim, entraîne une différence dans l’appréciation de l’identité entre le corps et l’esprit. En effet, pour Davidson, un même événement pourra recevoir différents genres de descriptions. En utilisant le langage des propriétés nous dirons qu’un événement peut exemplifier une propriété P1 ou une propriété tout à fait différente P2 ou Pn. Une occurrence particulière de douleur par exemple peut venir se ranger sous le genre d’événement douleur. En utilisant la notion de propriété, nous pouvons dire que cette occurrence possède la propriété d’être une douleur. Cependant, selon Davidson, cet événement peut être décrit différemment ou tomber sous d’autres genres ou posséder d’autres propriétés. Cette occurrence particulière de douleur peut posséder la propriété d’être causé par une carie ou encore de m’avoir réveillé au milieu de la nuit, etc. Si l’on reconnaît la validité de l’argument causal pour le physicalisme, cette occurrence d’événement est aussi un événement du cerveau qui possède la propriété d’être une excitation de la fibre C. Un même événement pourra donc, selon Davidson, tomber sous un genre physique ou sous un genre mental. Autrement dit, posséder une propriété mentale ou une propriété physique. Ainsi, pour le tenant de la thèse de l’identité des occurrences comme Davidson, ‘avoir mal aux dents’ est un événement mental du genre « douleur », mais c’est aussi un genre d’événement physique « neural ».
Selon Kim, en revanche, on peut dire que passer à un moment t, dans un certain état, comme ressentir une douleur, est un événement. En effet, au moment t où je suis dans cet état, je possède une certaine propriété mentale.
Ainsi, en suivant la conception des événements de Kim, nous obtenons la conclusion suivante : si e1 est un événement mental dans l’organisme x à l’instant t et que e2 est le même événement physique dans x à l’instant t, alors la propriété mentale dans e1 est identique à la propriété physique dans e2. C’est donc en vertu de l’individuation des événements que la conclusion de l’argument causal pour le physicalisme renforce ou atténue l’identité physique/mental. Pour Kim, il devient identité des propriétés et pour Davidson, il reste une simple identité des occurrences.
Références
[1] 1973, « Causation, Nomic Subsumption, and the Concept of Event », The Journal of Philosophy, 70, p. 217-236 ; 1976, « Events as Property Exemplifications » in Supervenience and Mind: Selected Philosophical Essays (Cambridge: Cambridge University Press), 1993.
[2] 1988, Events and Their Names, Hackett, Indianapolis/Cambridge.