Première publication, novembre 2006 (révisée août 2015)
Vouloir discriminer entre les vrais et les pseudo-processus causaux nous conduit à penser une séparation entre les changements véritables ayant lieu dans le monde physique et certains autres, qui ne seraient au fond que de prétendus changements.
Ce qui se produit dans le monde est redevable aux propriétés que les objets possèdent. C’est en vertu de la propriété d’être sphérique que la boule de billard roule sur le tapis. De la même façon, ce qui affecte les choses dépend aussi de ses propriétés. Par exemple, l’eau versée sur le sulfate de cuivre anhydre fait virer celui-ci, du blanc au bleu, parce que le sulfate de cuivre possède la propriété d’enfermer les molécules d’eau. Ainsi, lorsque l’on se demande quel changement a été opéré dans une chose, on cherche quelle propriété a été ajoutée ou retirée dans la chose. Ce critère nommant un changement dans une chose, a été formulé et nommé par P. Geach[1], « critère de Cambridge ».
Mais un tel critère peut nous entraîner à prendre en compte un nombre indéfini de changements. Ainsi, lorsque Théétète grandit, cela produit un changement dans Socrate, à savoir qu’il devient plus petit que Théétète. De tels changements, bien sûr, ne sont pas de véritables changements et Geach les appelle « simples changements de ‘Cambridge’ ». Ces simples changements de Cambridge ne doivent pas être confondus avec les changements réels dans les choses. D. Schoemaker[2] introduit le critère des changements de Geach pour l’adjoindre aux propriétés et distingue ainsi, un certain nombre de propriétés qui ne peuvent vraiment pas intégrer l’ensemble, de ce que l’on est en droit de considérer, comme étant des propriétés réelles des choses. On trouve dans ce groupe des « simples propriétés de Cambridge », des propriétés des choses comme étant « grue » dans le sens de N. Goodman[3], des propriétés historiques, comme avoir dormi dans le lit de George Washington et des propriétés relationnelles du genre ‘habiter à cinquante miles à l’est d’une grange en feu’.
Ainsi, les propriétés pertinentes d’une cause sont les propriétés qui non seulement participent au changement, mais font aussi une différence dans l’effet produit. Par exemple : qu’un pavé retiré de la chaussée par un manifestant en colère et jeté vigoureusement dans une vitrine de magasin ait été extrait d’une carrière près de Namur en 1860, n’interviendra en rien dans son pouvoir causal de briser la vitrine. La vitrine brisée résultera d’un certain nombre de conjonctions physiquement mesurables, entre la masse du pavé, associée à la force de frappe et une certaine composition du verre, toutes des propriétés intrinsèques.
Cependant certaines propriétés peuvent accompagner des processus causaux sans pour autant qu’elles soient véritablement des propriétés effectuant un travail de cause. Par conséquent, parler de véritables propriétés, suppose que celles-ci soient reliées à de véritables pouvoirs causaux. C’est tout le défi de l’introduction des propriétés mentales dans l’un des problèmes clefs en philosophie de l’esprit : le problème de la causalité mentale.
Références
[1] 1969, God and the Soul, Routledge and Kegan Paul, London.
[2] 1980, « Causality and properties » reprinted in Identity cause and Mind, Cambridge: Cambridge University Press, p. 206-233, 2003.
[3] 1965, Fact, Fiction and Forecast, New York: Bobbs-Merrill.