L’esprit dans un monde physique, Jeagwon Kim

Première publication, octobre 2006 (révisée août 2015)

Le livre de Jaegwon Kim, Mind in a Physical World[1], parut en 1998 et dont la traduction française vient de paraître sous le titre, L’esprit dans un monde physique (préface de Max Kistler, traduction François Athané et Edouard Guinet, Editions Syllepse, septembre 2006) est devenu en quelques années un classique incontournable en philosophie de l’esprit.

Les raisons qui font de cet ouvrage une référence dans le débat philosophique sont dues à la fois à l’infatigable recherche de clarté dont Kim fait preuve dans l’ensemble de ses écrits et dans ce livre en particulier, ainsi qu’à la puissance d’une thèse âprement défendue, le réductionnisme, dont il est un des plus farouches défenseurs.

La philosophie de Kim, que le titre du livre dévoile, mêle deux idées, à première vue contradictoires : le physicalisme et la réalité du mental. La première idée est celle qui affirme que chaque propriété d’une chose est soit une propriété physique, ou bien, est déterminée par ses propriétés physiques et qu’il n’existe rien dans le monde qui ne soit pas une chose physique. Quant à la seconde, la réalité de nos états mentaux, elle s’ancre dans nos existences d’agents, comme cause de nos comportements venant modifier l’arrangement des choses physiques peuplant notre environnement.

Pour préserver le mental au sein de notre monde physique, la philosophie de Jaegwon Kim est alors obligée de naviguer entre deux écueils. Le premier est l’épiphénoménisme ou négation du rôle causal du mental et le second l’éliminativisme ou négation de l’existence des entités mentales. Pour atteindre cet objectif de préservation du mental, la stratégie de Kim consiste à essayer de ruiner la thèse standard en philosophie contemporaine de l’esprit : le physicalisme non réductible. Cette thèse qui, à travers le fonctionnalisme, introduit des propriétés réalisées par d’autres propriétés jouant un rôle fonctionnel, est, pour Kim, une thèse instable, incapable de sauver le mental de ces deux écueils.

Le travail de Kim dans les quatre chapitres du livre se focalise alors autour du problème de la causation mentale tel qu’il émerge dans la métaphysique contemporaine de l’esprit. Les notions de survenance, mais aussi de réalisation du mental sur/par le physique sont éclaircies et mises en évidence comme autant des concepts enracinés dans un certain modèle métaphysique : un monde stratifié par niveaux. C’est dans ce cadre que l’exposé d’un des arguments majeurs de Kim, « l’argument de la survenance » trouve sa place, venant écarter une fois encore la thèse standard du physicalisme non réductible.

Ainsi la recherche d’une place effective pour le mental dans la relation causale ne s’accomplit pas, dans le renoncement à notre métaphysique de la causation. Pour Kim, le mental ne forme pas seulement une explication pratique susceptible de nous fournir des informations au sujet du réseau causal dans lequel un événement est ancré, mais doit trouver sa place comme cause d’événements physiques. La préservation du mental dans notre monde physique a donc un coût métaphysique. Pour Jaegwon Kim, parce que selon lui, en adhérant au physicalisme, il n’existe pas de voie moyenne, seule la réduction « sauve le mental, mais seulement comme une partie du monde physique ».

esprit dans un monde physique

Références

[1] Les éditions Ithaque, octobre 2014, publient à nouveau le livre de Kim.

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