Première publication, juin 2008 (révisée août 2015)
Le livre de Jaegwon Kim Philosophy of Mind vient d’être traduit en français et paraît aux éditions d’Ithaque. Pour tous ceux qui s’intéressent à la philosophie de l’esprit, cette publication est un événement. En effet, le livre de Kim, si rapidement devenu un classique en langue anglaise, est un exemple de travail où transparaît la volonté d’expliquer et de rendre compte de la manière la plus claire possible, d’un grand ensemble de questions posées en philosophie de l’esprit.
Sous la direction de Mathieu Mulcey et préfacé par Pascal Engel, Philosophie de l’esprit séduit d’emblée par la qualité de la traduction. Nous sommes loin ici de ces objets approximatifs et saturés de néologismes laborieux comme on en rencontre parfois dans les traductions en sciences humaines. La clarté du texte de Kim qui transparaît alors permettra non seulement aux étudiants et enseignants d’y trouver une introduction majeure à la philosophie de l’esprit, mais aussi à toute personne s’intéressant à ce domaine, d’accéder à une présentation accessible des principales doctrines et questions traitant de la relation du corps et de l’esprit.
Dans les dix chapitres qui composent l’ouvrage, l’auteur cherche à rendre intelligible un certain nombre de théories (dualisme cartésien, béhaviorisme, théorie de l’identité psychophysique, fonctionnalisme) et de problèmes (la causalité mentale, la conscience, la contenu mental, la réduction). A la fin de chaque chapitre, le lecteur trouvera une liste de lectures complémentaires auxquelles Kim nous invite à nous référer afin d’entrer plus en profondeur dans la discussion. Mais le livre est bien plus que cela ! En effet, si Jaegwon Kim est un philosophe réputé, ce n’est pas uniquement pour la clarté de son style et la précision des thèses qu’il formule et relie avec intelligence. Son influence dans le débat contemporain en philosophie de l’esprit est considérable. On décèlera donc, au fil de la lecture, un parti pris, un ancrage solide d’arguments et d’objections à l’encontre de certaines thèses (le monisme anomal, les propriétés mentales irréductibles) mais aussi en faveur de certaines autres (la réduction fonctionnelle, les limites du physicalisme). Quant à son argument « maître » de l’exclusion causale explicative, présenté dans le chapitre consacré à la causalité mentale, sa description concise nous en délivre la redoutable efficacité. Ainsi, l’entreprise de Jaegwon Kim ne se réduit pas à une simple présentation de doctrines, un point de vue l’anime, permettant au lecteur de se positionner mais aussi de comprendre le cheminement du philosophe. Point remarquable, l’intérêt évident que l’on devine chez l’auteur en faveur de telle ou telle approche, qui à aucun moment ne verse dans la polémique, n’empêche pas une présentation la plus objective qui soit des différentes thèses en présence.
Pascal Engel dans sa préface isole ce qu’il nomme « les groupes de problèmes » auxquels la philosophie de l’esprit doit faire face : questions descriptives, questions ontologiques, questions épistémologiques. Kim, dans son livre, explore et apporte sa contribution à chacun de ces trois groupes de problèmes. Le chapitre d’introduction construit autour des questions descriptives se pose, entre autres, comme une tentative de catégorisation des phénomènes mentaux et se termine par un constat : « une conception unitaire de l’activité mentale nous fait toujours défaut. » Quant aux questions ontologiques et épistémologiques, elles traversent véritablement l’ensemble de l’ouvrage. Que l’on pense au concept d’événement ou au statut des propriétés réalisées ou encore à la recherche d’un nouveau modèle de réduction pouvant expliquer les phénomènes mentaux, l’apport de Kim pour les questions ontologiques et épistémologiques s’avère bel et bien majeur.
Alors, se profilant comme un classique, nous disposons enfin en langue française d’un livre permettant à chacun de prendre connaissance des questions activement débattues en philosophie de l’esprit. Et plus largement, à travers la recherche de la compréhension de ces questions, il s’agit pour l’auteur de nous « raconter une histoire » qui, par dessus tout, fait sens. C’est d’ailleurs là que se situent toute la force et la cohérence de l’ouvrage.